Les grandes œuvres de l'antiquité sont au XIIe siècle l'objet d'une redécouverte relative : le Moyen-Âge ignore Homère ou les tragiques grecs, mais dispose d'adaptations latines. Les romans dits "antiques" s'inspirent de ces sources latines en les transposant, de façon très libre et sans craindre les anachronismes : les fils d'Oedipe se comportent comme des chevaliers du XIIe siècle. Le roman antique est très en faveur entre 1160 et 1180.
Le premier état du roman d'Alexandre est l'Alexandre d'Albéric de Pisançon (v. 1110), dont ne subsiste qu'un fragment de 105 octosyllabes groupés en laisses monorimes. Il donne naissance à un ensemble complexe de versions et de remaniements, notamment un Alexandre en vers décasyllabiques écrit dans le Poitou vers 1160-1165, qui, après 1180, est refondu par Alexandre de Paris en environ 16 000 vers dodécasyllabiques : de là viendra le nom d'alexandrin donné au vers de 12 syllabes dans la littérature française. Les romans antiques les plus accomplis sont le Roman de Thèbes (v. 1150-1160), qui s'inspire de la Thébaïde de Stace, et relate le combat meurtrier des fils d'Oedipe, le Roman d'Énéas (v. 1155-1156), translation de l'Enéide de Virgile, et le Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure (v. 1160), qui reprend sur plus de 30 000 vers la matière de l'Énéas.
Les romans antiques inaugurent des procédés qui seront durablement ceux du genre romanesque : l'action narrative à proprement parler y est de plus en plus fréquemment interrompue par diverses digressions, qui créent une durée et une temporalité propres au roman. De longues descriptions (portraits de femmes ou descriptions de ville), dilatent la narration : elles ont une fonction esthétique et sont parfois l'occasion de somptueuses inventions langagières, mais elles ont également une fonction didactique, en permettant au clerc de transmettre ses connaissances scientifiques, politiques, etc. L'action est aussi interrompue par des monologues (intérieurs ou pas) et des dialogues en tout genre (avec soi-même ou avec les autres) : le roman, ainsi, découvre l'introspection et l'analyse psychologique.