Comme la littérature, les objets la constituant sont un casse-tête définitionnel. Les formes brèves, ne faisant pas exception, sont approximativement définies. Ainsi, au Moyen Age, on ne distinguait pas le proverbe de la sentence. A la Renaissance, le problème se posait avec acuité et il est vain de chercher des définitions rigoureuses et cohérentes des formes brèves. La Rochefoucauld[1] parle de sentences et maximes, La Bruyère de caractères.
Initialement, la maxime était la maxima sententia, c’est-à-dire la sentence la plus grande. Terme juridique, la maxime est « un axiome du droit envers lequel aucune objection n’est possible. » La Bruyère définit les maximes comme « des lois dans la morale.» Par définition, la maxime se veut affirmation générale et incontestée, précepte ou règle de vie (« C’est la maxime qui fait les grands hommes », Bossuet).
Par la suite, maxime, règle de vie d’une valeur absolue, a acquis une valeur universelle et générale et est liée à un savoir. Elle est parole emblématique, signe d’appartenance à une communauté de doctes et de croyants, d’allégeance à une morale, surtout humaniste.
La maxime n’est pas une forme simple. Si la sagesse populaire, exprimée en dictons, offre des messages simples, affirmant soit une norme, soit un constat, la maxime associe à l’intention didactique une forme complexe, voire paradoxale qui peut rendre le message problématique ou même obscur. Elle sollicite les ressources du langage (prosodie, métrique, figures stylistiques, effet de symétrie ou de fermeture) à l’appui de la force et de l’évidence d’une pensée. A cet effet, La Rochefoucauld a orienté l’écriture des maximes vers la recherche de l’effet de surprise, du paradoxe et même de la provocation.
La forme de la maxime est ainsi souvent critiquée. Pour Chamfort,
« Le paresseux et l’homme médiocre […] donnent à la Maxime une généralité que l’Auteur, à moins qu’il ne soit lui-même médiocre […], n’a pas prétendu lui donner. L’homme supérieur saisit tout d’un coup les ressemblances, les différences qui font que la Maxime est plus ou moins applicable à tel ou tel cas, ou ne l’est pas du tout»
Chef-d’œuvre d’une société, la maxime devient un art complexe usant de la généralisation (toujours, jamais, nous, l’homme, le monde et non je, tel, quelques-uns), de l’association piquante du moral et du physique (« la flatterie est une fausse monnaie qui n’a de cours que par notre vanité », Maxime 158 ; « L’amour aussi bien que le feu ne peut subsister sans un mouvement perpétuel », Maxime 125). La maxime aime à rapprocher les contraires, car plus les termes sont éloignés, et plus le rapprochement est significatif (« Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement », Max. 26; « L’esprit nous sert quelquefois à faire hardiment des sottises », Max.415). Parfois, on répète un mot dont on varie les constructions ou on rapproche des mots de même racine ou de même son (« La constance en amour est une inconstance perpétuelle », Max.175 ; « L’amour de la justice n’est que la crainte de l’injustice », Max.128). Les adjectifs, les constructions symétriques (« Les femmes qui aiment pardonnent plus aisément les grandes indiscrétions que les petites infidélités », Max.429) participent de cette recherche au niveau de la langue.
Cette complexe fermeté qui se présente sous les traits d’une grande simplicité (« C’est une grande habileté que de savoir cacher son habileté », Max. 245) fonde désormais la maxime littéraire.
[1] : Toutes les maximes qui seront étudiées ici sont extraites de l’ouvrage référence de La Rochefoucauld, François VI (1665) : Réflexions ou sentences et maximes morales, Claude Barbin, Paris.