Le corpus des fabliaux comprend, selon les définitions, 130 à 160 textes anonymes ou attribués (par exemple à Jean Bodel ou Rutebeuf, Cortebarbe, Durand, Gautier le Leu, Henry d'Andeli, etc.), composés de la fin du XIIe au milieu du XIVe siècle, et surtout au XIIIe siècle. Ce sont des textes courts (100 à 600 vers), en octosyllabes à rimes plates comme les autres genres narratifs brefs, mais dans la veine comique : leur but est de divertir, voire de faire rire. La plupart semblent avoir été écrits dans le nord de la France (Picardie, Centre, Normandie). Le plus ancien est Richeut (v. 1170), l'histoire d'une ancienne nonne devenue prostituée qui fait porter à trois hommes (un prêtre, un chevalier, un bourgeois) la paternité de son fils. Le fabliau cesse d'exister comme genre au milieu du XIVe siècle au profit d'une part de la nouvelle en prose et d'autre part de la farce théâtrale.
Les sujets et la tonalité des fabliaux sont assez variés. Certains sont plutôt des contes moraux (par exemple La Housse partie (partagée) de Bernier au XIIIe), assez proches des fables, d'où leur nom (fabliau est un picardisme pour fableau, diminutif de fable, employé par les auteurs dans plusieurs manuscrits). Certains sont scatologiques, grivois, voire obscènes (Le Chevalier qui fit les cons parler, Le Rêve des vits, Celle qui fut foutue et défoutue...). Misogynie et anticléricalisme y sont de mise, et beaucoup mettent en scène le triangle mari / femme / amant. Les personnages y sont souvent caricaturaux et très sommairement campés : ce sont des types (religieux ridicules, paillards et cupides, femmes vulgaires et rusées, maris jaloux, cocus et bafoués, entremetteuses cupides, paysans madrés). Le scénario repose le plus souvent sur une duperie, un bon tour, une ruse, raconté avec verve, dans une intrigue pleine d'artifices, de stratagèmes, d'effets d'antithèse et de symétrie : le schéma du trompeur tr
ompé avec ses propres armes est ainsi particulièrement prisé. Dans le fabliau, la performance intellectuelle voisine avec un discret sadisme.