Modèle incontesté de ses pairs au milieu du siècle, Pierre Corneille n’a eu de cesse d’innover tout au long de sa carrière. Dans sa jeunesse, il "invente" la comédie de caractère, remplaçant la farce rudimentaire en vigueur par des textes mettant en scène la vie des "honnêtes gens". Le comique y naît des personnages et non de situations stéréotypées (Mélite, 1629 - La Place royale, 1634). Par la suite, il réintroduira l’outrance baroque (L’Illusion comique, 1635 - Le Menteur, 1643).
Mais le "grand Corneille" perce avec Le Cid (1637), très critiqué à l'époque mais qui assure sa consécration. S’ensuit une période féconde (Horace, Cinna, Rodogune, Polyeucte), puis l’abandon du théâtre de 1651 à 1659, suivi d'un retour difficile. Alors face à ses drames complexes (Sertorius, Suréna) s’oppose la simplicité racinienne qui séduit le public. Corneille n'écrira plus dès 1674.
Corneille utilise la démesure dans sa peinture des caractères. Il s’éloigne ainsi de la vraisemblance des règles classiques qu’il a pourtant aidé à imposer. Il ne les considérait pas comme un absolu, estimant au contraire qu’il fallait "les apprivoiser adroitement avec notre théâtre".
Le héros cornélien, autour duquel s’articule la pièce, est un homme excessif ("j’estime qu’il ne faut point faire de difficultés d’exposer sur la scène des hommes très vertueux ou très méchants") toujours en quête d’un absolu (Gloire, Honneur) transcendant l’égoïsme et la lâcheté. Contrairement au héros romantique, marginal et révolté, il s’inscrit dans un groupe social (les nobles dans Le Cid, les patriotes chez Horace ou les chrétiens de Polyeucte) dont il est le parfait représentant. Il est partagé entre l’amour et l’honneur : c’est le fameux "dilemme cornélien", moteur de l’action dramatique. Le devoir y prime toujours sur le désir.
Son œuvre est à la fois politique (rôle de la clémence après la guerre civile, célébration de la monarchie, etc.) et universelle dans ses rapports à l’Histoire : relations entre morale et pouvoir, justice et injustice, rôle du monarque ou du prince. D’où l’importance des maximes et sentences émaillant une écriture majestueuse dont les alexandrins généreux soulignent la détermination des personnages