Le XVIIIe siècle est appelé siècle des Lumières. Par cette métaphore, le siècle cherche à consacrer, à travers l'esprit de la Renaissance et le cartésianisme du siècle précédent, le triomphe de la Raison sur les Ténèbres (l'obscurantisme et les préjugés). Les Lumières sont un phénomène européen, mais les «philosophes» français cristallisent le mieux les idées du siècle et donnent du relief à de nouvelles valeurs qui, au-delà de la Révolution française, marqueront durablement l'Europe et le monde.
1- L'Encyclopédie — monument des Lumières
La pensée philosophique s'élabore dans un large débat intellectuel et une âpre confrontation avec les antiphilosophes, appuyés par la Cour, le Parlement et le clergé. La saisie des ouvrages et l'emprisonnement des auteurs ne manquent pas (Voltaire et Diderot). Le triomphe de l'esprit nouveau est consacré par la parution de l'Encyclopédie, ce vaste panorama des connaissances scientifiques, des arts et des techniques des métiers, qui comprend 35 volumes (textes et illustrations), publiés de 1750 à 1772. Diderot, son directeur, en collaboration avec les esprits les plus éveillés de son temps, d'Alembert (1717-1783), d'Holbach (1723-1789), Condillac (1714-1780), Helvétius (1715-1771), Buffon (1707-1789), Montesquieu, Voltaire etc., en fait la tribune et le plus important monument des Lumières.
2- La littérature française au XVIIIe siècle
Les mutations profondes de la vie socio-économique et culturelle et le mouvement philosophique ont une répercussion directe sur les lettres. Mais toute la production littéraire ne se place pas sous le signe des Lumières. Celles-ci se font le mieux sentir dans le roman et le conte philosophique, tandis que les autres genres n'en portent la marque qu'à des degrés différents.
3- Les Goûts
Les goûts varient selon les couches sociales, leur instruction et leur culture. Le débat philosophique a lieu dans des milieux fermés et ne touche qu'un public restreint. La majorité des lecteurs se passionnent pour les histoires d'aventures qu'on retrouve dans le genre historique, les récits de voyage et les mémoires romancés («Robinson Crusoé» de Defoe et «Les Voyages de Gulliver» de Swift). Le goût du merveilleux persiste dans le succès durable du conte oriental (traduction des 12 volumes des «Contes des Mille et Une Nuits»). Les masses populaires, pour la majorité analphabètes, alimentent leur culture de la littérature de colportage.
La prééminence des lettres françaises en Europe est due, en grande partie, à l'œuvre des philosophes. Ils imposent à la littérature une double fonction : arme de combat pour faire triompher leurs idées ainsi qu'un moyen d'instruction et d'éducation du large public. Ils contribuent à la codification de la langue française et des genres littéraires, approfondissent la pensée esthétique, créent enfin le roman sentimental et le "drame bourgeois".
4- Littérature d'idées
Ce sont les essais, discours, dialogues, entretiens, contes philosophiques, utopies, où les philosophes définissent leurs thèses scientifiques, philosophiques ou morales. Les plus éminents représentants sont Diderot, Voltaire, Montesquieu, Condillac, Helvétius, d'Holbach. Le plus prestigieux monument du genre est l'«Encyclopédie», tandis que les pamphlets traduisent le mieux l'esprit polémique du siècle.
5- Le Roman
C'est le genre qui exprime le mieux les aspirations du siècle et connaîtra, par conséquent, la prospérité. Au début le roman étant associé aux fabliaux, les auteurs intitulent leurs œuvres «contes», «histoires», «lettres». Le roman suivra, le long du siècle, une évolution très marquée. Il changera de contenu et de structures pour acquérir finalement ce qu'on appelle les grandes caractéristiques du genre. Dans cette grande diversité d'œuvres, se dégagent quelques principales tendances, qui se développent parallèlement.
- Roman de mœurs : Les romans de Lesage («L'Histoire de Gil Blas», 1715-1735), de Marivaux («La Vie de Marianne», 1731-1741, et «le Paysan Parvenu», 1735) et de l'abbé Prévost («Manon Lescaut», 1731) s'inscrivent dans la tradition du roman picaresque. Pourtant, sans renoncer à la peinture pittoresque des mœurs, ils manifestent un souci de réalisme plus profond en ce qui concerne le cadre et l'analyse psychologique des personnages.
- Roman philosophique : Le roman philosophique traite les grands problèmes du siècle : le rôle de la Providence, le déterminisme historique, le sensualisme, la tolérance, etc. La visée idéologique de l'auteur est à peine voilée. Le roman s'organise autour d'un personnage principal qui rencontre dans des situations souvent invraisemblables de nombreux interlocuteurs ; les personnages, moins étoffés et moins vivants, supportent diverses thèses philosophiques ; le cadre n'est qu'esquissé ; le dialogue est riche en réflexions et commentaires. Ce genre a ses chefs-d'œuvre : «Micromégas» (1752), «Candide» (1759) et «L’Ingénu» (1767) de Voltaire, «Jacques le Fataliste» (1772) et «le Neveu de Rameau» (1773) de Diderot, «Emile ou de l'éducation» (1762) de Rousseau.
- Roman sentimental : Le roman sentimental est lié à la personne de Rousseau. Les philosophes n'opposent pas la raison à la sensibilité, car "l'âme qui sent est consciente de sentir". Selon les sensualistes, la sensibilité est liée aux sensations et à la physiologie. Rousseau en élargit le champ pour en faire le domaine du cœur et de l'âme. "Sentir, c'est exister", dit il.
Les romans qui peignent l'amour-passion ne manquent pas, mais c'est Rousseau qui écrit le premier roman lyrique, «La Nouvelle Héloise», 1756. Son énorme succès est dû à la peinture émouvante de l'amour, à la générosité d'âme des personnages principaux, à la présence de la Nature et surtout à l'écriture personnelle de Rousseau. Il exercera une influence profonde sur les lettres françaises et étrangères, annonçant les grands thèmes romantiques. Dans cette lignée s'inscrit le roman «Paul et Virginie», où Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814) fait l'apologie de l'existence "naturelle" de deux adolescents dans une île exotique.
Le courant libertin du siècle est le mieux représenté par le roman «Les Liaisons dangereuses» de Laclos, 1782.
6- Le Théâtre
Le XVIIIe siècle conservera la passion du théâtre, mais il mettra beaucoup de temps à se libérer du classicisme. Un genre nouveau apparaît : le drame bourgeois.
7- La Tragédie
Presque tous les écrivains se proposent de suivre les préceptes des grands classiques. Voltaire illustre le mieux ce style «néo-classique». Malgré la perfection de son vers et le ton pathétique, même ses chefs-d'œuvre «Zaïre» et «Mahomet» font sentir davantage l'artifice du classicisme que ses qualités.
8- La Comédie
Plus vitale que la tragédie, la comédie est illustrée par trois écrivains de talent : Lesage, Marivaux et Beaumarchais.
Lesage (1668-1747), auteur de près de 90 pièces, renouvelle la comédie de mœurs et reste immortel avec «Turcaret» (1709).
Marivaux (1688-1763), maître de la comédie psychologique, crée un style qui lui est propre, le marivaudage, fait d'un jeu subtil du langage, traduisant "tantôt l'analyse d'une intelligence trop fine, tantôt les palpitations d'un cœur trop délicat".
Le génie de Beaumarchais domine le théâtre de son temps par ses deux chefs-d'œuvre : «Le Barbier de Séville» (1775) et «Le Mariage de Figaro» (1781). Beaumarchais crée une comédie qui n'appartient qu'à lui: un mélange de comédie de caractères et de mœurs politiques et sociales. Il utilise des procédés de la comédie italienne, du théâtre espagnol et de celui de Molière. L'intrigue, menée avec précision et virtuosité, plonge les personnages dans des situations parfois invraisemblables, à un rythme vertigineux. Dans la riche galerie de portraits: personnages secondaires souvent caricaturaux, personnages principaux extrêmement vivants, se détache une figure exceptionnelle, Figaro, le porte-parole de l'auteur. Figaro dénonce violemment les abus de la société et revendique, au nom du Tiers-État, son droit au bonheur face à une aristocratie parasitaire et corrompue.
9- Le Drame bourgeois
Le drame bourgeois est une création de Diderot qui en définit les caractéristiques : genre sérieux écrit en prose, sujets tirés de la vie quotidienne, analyse des caractères, peinture réaliste des milieux (le plus souvent bourgeois), école de la vertu. Ses pièces «Le Fils naturel» (1757) et le «Père de famille» (1758) sont de médiocres illustrations de ses thèses esthétiques novatrices.
10- La Poésie
La poésie ne saura se libérer entièrement des influences du classicisme et traversera des longues crises tout le long du XVIIIe siècle, malgré le nombre élevé de poètes et d'œuvres. Il faudra attendre le XIXe siècle, qui sera l'âge d'or de la poésie.